Un brin d’histoire…
L’approche de réduction des méfaits est l’approche préconisée au CIPTO
Tout d’abord, cette approche a été mise de l’avant au cours des années 80 en Europe, comme une réponse au danger représenté par la transmission du VIH chez les usagers de drogues par injection (UDI). Le taux de séroconversion chez les UDI avait en effet atteint un seuil alarmant. C’est face à cette problématique que certains pays d’Europe, comme la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, ont pris certaines mesures s’inscrivant dans l’approche de réduction des méfaits. Parmi ces mesures, on trouve des programmes d’échange de seringues, la distribution de « kits » pour désinfecter les seringues, la distribution de condoms et de lubrifiants, l’accessibilité à des programmes de traitement à la méthadone, de même que le travail de rue. Par contre, au Québec, ce n’est que quelques années plus tard, soit en 1994, que l’approche de réduction des méfaits commença à être utilisée.
Définition de cette approche…
1 – Définition « minimale » :
Une approche centrée sur la diminution des conséquences néfastes de l’usage de drogues plutôt que sur l’élimination de l’usage. (Brisson, 1997)
2 – Définition « maximale » :
Une démarche de santé collective visant, plutôt que l’élimination de l’usage de psychotropes (ou d’autres comportements à risque ou addictifs), à ce que les principaux intéressés puissent développer des moyens de réduire les conséquences négatives liées à leurs comportements et aux effets pervers des contrôles sur ces comportements, pour eux-mêmes, leur entourage et la société, aux plans sanitaire, économique et social. (Brisson, 1997)
Principes fondamentaux et ses mises en application…
Cette approche remet donc en question les modèles traditionnels fondés sur l’abstinence. Alors que ces derniers s’attaquent davantage à l’élimination de l’usage de psychotropes, l’approche de réduction des méfaits tente, pour sa part, de diminuer les effets négatifs de l’usage. Par contre, même si la réduction des méfaits préconise en premier lieu de réduire les conséquences négatives de l’usage inapproprié de psychotropes, « elle n’exclut pas, bien au contraire, l’intervention visant à réduire et même à faire cesser la consommation; en d’autres termes, elle n’exclut pas l’abstinence et elle ne vient pas en contradiction avec la promotion, dans l’ensemble de la population, de la non-consommation de certaines substances ou de la consommation «modérée» de d’autres » (CPLT, 1999).
L’approche de réduction des méfaits repose sur deux principes fondamentaux : le pragmatisme (plutôt que l’idéalisme) et l’humanisme (plutôt que le moralisme). Le pragmatisme peut se définir comme suit : «puisque les drogues sont là pour rester, intervenons de façon à limiter les problèmes chez ceux qui en usent et leur entourage». Ainsi, les caractéristiques du pragmatisme sont les suivantes : 1) l’usage des drogues est une réalité avec laquelle il faut composer; 2) l’intervention doit tenir compte des coûts et des bénéfices de l’usage et porter sur les conséquences négatives; 3) l’intervention doit impliquer une hiérarchie d’objectifs, prioritaires et réalistes.
Pour ce qui est de l’humanisme, nous pouvons définir ce principe comme suit : «l’usager de drogues est une personne à part entière, digne de respect, possédant des droits et un pouvoir d’agir en tant que citoyen». (Brisson, 1997) Ainsi, nous favorisons l’empowerment, c’est-à-dire, redonner du pouvoir à la personne en favorisant son implication dans sa démarche de changement. Plusieurs caractéristiques définissent l’humanisme : 1) aller à la rencontre des usagers, là où ils se trouvent; 2) offrir aux usagers une variété de moyens, en fonction de leurs besoins (être à l’écoute des besoins des usagers); 3) impliquer les usagers en respectant leurs droits et favoriser qu’ils se prennent collectivement en charge.
L’approche de réduction des méfaits s’applique autant au niveau des drogues licites qu’illicites.
Voici quelques exemples concrets de cette approche (Brisson, 1997):
Drogues illicites
Matériel de consommation sécuritaire (échange de seringues…)
Drogues de subsitution (méthadone…)
Zones de tolérances (parcs, piqueries supervisées…)
Travail avec et par les usagers (outreach, programmes de pairs aidants)
Application et modifications de lois (déjudiciarisation)
Drogues licites
Modifications de substances (bière 0.5%)
Produits de substitution (nicorette)
Mesures environnementales (section non-fumeur, ventilation…)
Réduction des méfaits et définition de la toxicomanie…
La toxicomanie étant un concept très large, il importe de préciser la définition de la toxicomanie qui va de pair avec la philosophie d’intervention mise de l’avant au CIPTO. «La toxicomanie est un style de vie gravitant autour de la consommation de drogues qui limite la personne dans son potentiel de vie et dont elle est insatisfaite. La personne est considérée toxicomane le jour où elle n’est plus satisfaite de ses conditions de vie et qu’elle éprouve le goût de changer» (Dollard Cormier, 1984).
Ainsi, une personne toxicomane est une personne à qui la consommation de psychotropes (peu importe le ou les psychotropes consommés) apporte des conséquences négatives à divers niveaux soit : vie familiale, vie conjugale, plan financier, à l’école, relations interpersonnelles, etc. Cette définition est strictement liée à l’approche de réduction des méfaits puisque l’on mise davantage sur les conséquences liées à la consommation de psychotropes que sur la consommation elle-même. Nous adhérons donc davantage à une évaluation qualitative que quantitative de la consommation en ce sens que la quantité de drogues consommées chez une personne n’est pas une indication exhaustive d’une problématique de consommation. Une personne peut ne pas consommer de grandes quantités de drogues et vivre tout de même des effets négatifs liés à sa consommation. Ainsi, ce qui importe lorsque nous intervenons auprès d’une personne ayant un problème de consommation, ce sont les conséquences liées à cette consommation et la relation entre la personne et le produit psychotrope. Bref, l’approche de réduction des méfaits en lien avec l’intervention auprès des personnes toxicomanes permet d’être à l’écoute des besoins de la personne, d’aller au rythme de celle-ci et de tenter de lui redonner du pouvoir en l’impliquant activement dans sa démarche de changement.
En conclusion, nous avons pu voir que l’approche de réduction des méfaits en lien avec la problématique de la toxicomanie s’applique d’abord dans une optique de santé publique par divers programmes visant à réduire le nombre d’infections transmises sexuellement et par le sang (VIH, Hépatite C) en faisant la promotion de comportements de consommation sécuritaires. Parmi ces programmes, figurent entre autres le programme d’accès aux seringues, le programme de distribution de pipes à crack et la distribution de condoms. Deuxièmement, cette approche s’applique également dans une optique de démarche personnelle où la personne demandant de l’aide en lien avec sa consommation de psychotropes est amenée à participer activement à sa démarche de changement en priorisant certains objectifs et en posant des gestes concrets liés à sa consommation.
Cependant, pour d’autres personnes qui n’envisagent pas nécessairement un changement dans l’immédiat de leurs habitudes de consommation, nous misons davantage sur l’amélioration de leur qualité de vie en les accompagnant dans une démarche d’empowerment (reprise de pouvoir sur soi et sur sa vie).